Claire Mestre : « S’occuper des autres, une tradition féminine »

Psychiatre, psychothérapeute et anthropologue, mais aussi mère de famille et grand-mère, auteure et engagée dans le domaine associatif, Claire Mestre reconnaît elle-même qu’elle ne s’arrête jamais. Elle aussi, en se laissant guider par ses envies, son amour du travail et ses forces de femme.

Arrivée à Bordeaux en 1987, Claire Mestre s’engage en faveur d’un public de plus en plus précaire : les migrants, qu’elle accueille quotidiennement en consultation de soin psychique. « J’ai toujours été un peu insatisfaite par mes études de médecine alors je me suis intéressée à la psychanalyse et à l’anthropologie, raconte-t-elle, et je me suis aussi approprié la tradition bordelaise d’ouverture vers l’Afrique, le Tchad et Madagascar notamment. » À ses débuts, il n’existe pas de consultation pour les populations qui ne parlent pas français et ce domaine est toujours marginal aujourd’hui. Sans compter les inégalités « silencieuses » qui persistent dans le milieu de la médecine.

« L’enthousiasme est un baume extrêmement puissant »

Alors on se dit qu’il faut beaucoup d’énergie et d’investissement pour tout ça, des forces que seule une femme peut déployer.  « Oui, on est plus à l’aise dans certains domaines. En m’occupant du soin psychique, je porte en moi une tradition féminine. L’écoute et la préoccupation de l’autre sont des qualités féminines, souvent minorées mais très anciennes. Elles sont issues de notre histoire collective, plus pour les femmes que pour les hommes.

Personnellement, ma mère qui a travaillé dans le social m’a aussi beaucoup influencée. » Etre une femme et être Claire Mestre, c’est aussi devenir mère à 20 ans et se servir de cette formidable endurance et d’une capacité à tout organiser en même temps.   « Je viens d’une lignée de femmes qui ont dû faire face à de grandes difficultés et je suis très résistante. J’ai aussi un mari très présent ! Quand une femme réussit, il faut chercher l’homme et les personnes qui la soutiennent. Et l’enthousiasme, c’est un baume extrêmement puissant. »

« La Bordelaise est capable d’être l’aise avec des gens très différents »

À son arrivée, Claire Mestre a connu le Bordeaux sombre et l’a tout de suite aimé. « Je suis arrivée au printemps, j’ai aimé l’océan, la pluralité culturelle. Bordeaux est une ville d’ouverture avec des lieux de rencontre et de mixité sociale, et j’espère que la ville va garder cette préoccupation. Pour moi la femme bordelaise de 2019 est une femme capable d’être à l’aise avec des gens très différents. »  Toujours en vélo, Claire Mestre se voit continuer ses activités de soins et associatives. Après l’association Mana qu’elle a fondée, elle s’occupe aujourd’hui d’Ethnotopies. Une association qui traite des questions migratoires sur le plan clinique à travers des ateliers, des activités de recherche, des séminaires et des journées scientifiques. Elle se voit aussi s’occuper de sa famille, de ses petits-enfants et… écrire sur la condition féminine et la médecine : « Je pense que j’aurais des choses à dire. »

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