Jean-Marc Dumontet : l’entrepreneur passionné de culture et de Bordeaux

Il est de ces bordelais qui comptent aujourd’hui dans les cercles du pouvoir. Jean-Marc Dumontet est un entrepreneur, un homme d’affaires, un producteur de théâtre. Il fait partie du premier cercle d’Emmanuel Macron. C’est avant tout un homme d’initiatives, de prise de risque et de passion. Entretien sur la Culture en France et son parcours professionnel, avec au passage quelques réflexions sur la politique bordelaise. C’est depuis Tel-Aviv que Jean-Marc Dumontet nous a accordé cet entretien téléphonique, Il organise en effet depuis 3 ans maintenant avec Steve Suissa le festival Horizons-Théâtre Français en Israël. 

Portrait de l’entrepreneur Jean-Marc Dumontet

INitiatives. Comment passe-t-on d’entrepreneur dans la communication à Bordeaux à producteur reconnu à Paris ?

JMD. Je n’étais effectivement pas prédestiné à ce parcours. J’ai fait une maîtrise de droit, je suis diplômé de Sciences Po, j’ai été journaliste, j’aurais pu être notaire. Mais je suis tombé un jour au début des années 90 sur un pin’s. Je suis allé à Taiwan, et à l’époque on allait beaucoup moins facilement dans cette partie du monde qu’aujourd’hui. J’ai créé une entreprise qui a donc produit et commercialisé des pin’s. J’ai appris mon métier d’entrepreneur très tôt avec pas mal d’entreprises qui ont réussi dans la communication et les relations presse notamment. Pour moi, il n’y avait pas de « limites » à ce que je pouvais entreprendre.

INitiatives. Qu’est-ce qui vous a mené à produire des spectacles ?

JMD. J’ai eu un véritable coup de cœur pour un spectacle donné par une troupe du Lot-et-Garonne, celle de Roger Louret : la Java des Mémoires. J’ai eu envie de les porter, de les faire connaître. Mais je n’étais pas dans l’esprit d’un mécène. J’ai voulu entreprendre avec eux. Alors je loue le théâtre du Trianon à Bordeaux. Pendant plus d’un mois, les représentations cartonnent, chaque soir. On décide donc de partir pour la capitale où l’on joue plusieurs mois.

Une « exigence de qualité »

Mon expérience de chef d’entreprise, je la mets au service de la production artistique. Pour moi, le point commun entre la conduite d’une entreprise et de celle d’un spectacle c’est l’exigence de qualité. Nous sommes dans une économie de l’offre. Et c’est la qualité, l’exigence artistique qui fait tout. Par exemple, en ce moment, au festival Horizons à Tel-Aviv nous jouons Terre de Soleil avec Thierry Lhermitte, l’adaptation du texte de Simon Wiesenthal. On a beaucoup travaillé sur ce spectacle.

INitiatives. Vous considérez le spectacle comme un produit ?

JMD. C’est inutilement provocateur de dire les choses comme cela. C’est dévalorisant pour le spectacle et c’est réducteur pour ma démarche avec les artistes. En revanche la rentabilité ne peut pas être occultée. Nous produisons des spectacles privés. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai aussi acheté des théâtres pour être producteur et distributeur. Pour reprendre un terme d’entrepreneur, je maîtrise ainsi toute la chaîne de valeur.

INitiatives. Vous êtes le producteur de Canteloup, c’est une rencontre « bordelaise » ?

JMD. Absolument pas, je ne le connaissais pas avant de le voir pour la première fois. En fait, il était intervenu pour une convention d’entreprise que j’organisais avec mon agence d’événementiel. Je lui ai dit ce jour-là : « je veux travailler avec vous ». Je lui ai demandé de m’écrire un texte par jour pour qu’il progresse. Il l’a fait. Au bout de deux ans, on avait tellement bossé qu’on avait un spectacle prêt ! On est partis à la recherche d’une salle à Paris. Puis, on a été rejetés par le Point Virgule, que je dirige aujourd’hui. On a fini par trouver mais ce n’était pas adapté. C’est là que j’ai décidé d’acheter des théâtres pour mener à bien les projets artistiques que je produisais (Ndlr : 6 théâtres parisiens aujourd’hui).

Jean-Marc Dumontet, un animal politique !

INitiatives. Et soudain Paris bruisse de votre envie de Ministère de la Culture

JMD. La presse est moutonnière parfois. Il suffit qu’une hypothèse soit émise par l’un pour que les autres la reprennent.

INitiatives. Vous êtes quand même dans le premier cercle du couple présidentiel ?

JMD. C’est un fait mais, dans mon rôle auprès du candidat Macron devenu Président de la République, j’ai peu fait sur la culture. Vous savez, ça existe les engagements désintéressés. J’aime beaucoup la politique, j’ai été sur la liste de Chaban en 1989. Donc ce sont des raccourcis.

La culture malheureusement n’est pas un marqueur politique ni au niveau national ni au niveau local. Le Pass Culture je l’espère permettra d’apporter un peu plus d’égalité sur l’accès à la culture. Ce sera un élément important de ce quinquennat.

Municipales à Bordeaux : mon cœur va au candidat LREM

INitiatives. Rumeur aussi sur votre envie de « Bordeaux », de candidature pour les municipales ?

JMD. Ça a bruissé un peu effectivement. Je ne pouvais pas me désintéresser de ce sujet. Mais vous savez j’ai quitté Bordeaux il y a 10 ans pour mener mes projets professionnels et familiaux. Ce n’était pas opportun.

INitiatives. Vous êtes en train de dire que vous avez sérieusement étudié la possibilité d’être candidat ?

JMD. J’ai commencé dans l’entourage de Chaban ; 30 ans après, la question d’une réflexion se posait. À l’époque, Alain Juppé n’était pas encore parti. Je n’y suis pas allé parce que les choses ne sont pas aussi simples que cela. C’est un investissement à 100%. Donc si j’avais dû y aller… j’y serais.

INitiatives. Et donc maintenant vous soutenez un candidat ?

JMD. Je suis proche de Macron donc mon cœur va vers le candidat LREM, Thomas Cazenave. Cette ville a besoin d’un nouveau souffle, ce nouveau souffle passe par une personnalité. Mais bon, aujourd’hui, je ne suis plus influent sur Bordeaux.

INitiatives. Et vous avez de nombreuses connaissances dans l’équipe actuelle de la mairie…

JMD. Bien sûr, j’ai plein d’amis dans le camp d’en face (sourire).

La politique culturelle en France et à Bordeaux

Jean-Marc Dumontet: « On peut voir les choses de façon larmoyante ou s’inscrire dans de nouvelles dynamiques. Aujourd’hui, nous vendons 750 000 billets pour l’ensemble de nos spectacles. Le public réagit très fortement aux offres qui lui sont faites. Pourtant, les priorités de l’État et des collectivités locales ne sont plus sur la Culture. Donc c’est bien que des acteurs privés prennent le relais ou que les acteurs publics de la Culture comme les musées s’inscrivent dans une démarche de valorisation de leurs espaces avec une approche marketing.

À l’époque de Mitterrand, il était facile d’augmenter le budget de la Culture (1% du budget de l’Etat pour la Culture sous l’impulsion de Jack Lang, Ndlr) puisqu’on partait de pas grand-chose. On pourrait dire la même chose pour l’époque Chaban à Bordeaux. Oui en ce temps-là, il y avait Sigma, une star pour diriger l’orchestre, le Mai Musical. On est tous d’accord pour dire que c’était une époque bénie pour la culture. Maintenant, à Bordeaux, n’était-ce pas un peu élitiste, pour un petit nombre de personnes ? Et puis, c’était sans doute au détriment d’autres choses. Enfin, personnellement, je n’avance pas en regardant dans le rétroviseur. Donc je préfère voir les nouvelles dynamiques pour les années à venir.»

Salle du Théâtre Antoine à Paris appartenant à Jean-Marc Dumontet

© Helene Pambrun

 

S'abonner au magazine en ligne