Nathalie Loiseau: l’inspirante Ministre des Affaires Européennes.

ELLE NOUS AVAIT ÉPATÉS AVEC SON LIVRE «CHOISISSEZ TOUT»* ET SA NOMINATION À LA TÊTE DE L’ENA. VENUE À BORDEAUX POUR L’ÉVÈNEMENT SOCIÉTALES, PAROLE AUX FEMMES, ELLE NOUS AVAIT GALVANISÉES EN NOUS POUSSANT À PRENDRE DES RISQUES, À OSER TOUT SIMPLEMENT ALLER AU BOUT DE NOS RÊVES. ET PUIS ELLE EST DEVENUE MINISTRE ET L’ON POURRAIT CROIRE QU’ENTRANT DANS LES HAUTES SPHÈRES, ELLE SERAIT INTOUCHABLE. ET BIEN NON, MALGRÉ UN EMPLOI DU TEMPS SURCHARGÉ, ELLE A OUVERT LA PORTE DE SON BUREAU AU QUAI D’ORSAY POUR NOUS PARLER EUROPE. RENCONTRE AVEC UNE FEMME DE POUVOIR QUI NOUS INSPIRE ET NOUS POUSSE À AGIR.

Enfant, l’ambition dans le foyer familial était portée par un garçon, son frère. Elle en garde un sentiment de «manque de pression confortable». Une position d’observatrice qu’elle a su faire fructifier au travers d’une carrière trépidante et d’un engagement pour les femmes. Il n’empêche. Il peut tout faire, et elle rien, ou plutôt le regarder : étudier, jouer au tennis, pratiquer la musique… On sent la petite fille maligne qui l’air de rien aspire tout ce savoir. Mais quelle frustration quand même! Il a fallu beaucoup d’intelligence pour transcender cette drôle d’éducation. Elle en retire une incroyable capacité d’adaptation et de rebond.

De belles études et la rencontre de personnalités qui lui ont tendu la main complètent son parcours. Une carrière fulgurante et mondiale. Ministre plénipotentiaire, grade le plus élevé de la carrière diplomatique, cette diplômée de Sciences Po Paris et de l’Inalco où elle apprend le Chinois entre en 86 au Ministère des Affaires Etrangères. Affectée à l’international, elle fait ses armes à Jakarta, Dakar, Rabat et Washington. Rien ne lui échappe en matière de diplomatie et de conflits mondiaux. En 2011, Alain Juppé lui confie la direction générale de l’administration et de la modernisation au Ministère des Affaires Etrangères. Elle a été nommée en 2012 directrice de l’ENA. Une femme diplomate non énarque, à la tête du symbole de l’élitisme français. L’an dernier, c’est comme Ministre chargée des Affaires Européennes qu’elle retrouvait Alain Juppé. Quel chemin !

Son entrée dans le quinquennat fut discrète. Nous la reconnaissons bien là, avec son habitude d’explorer le terrain avec humilité. Il est vaste, à la taille de l’Europe. Et alors que les élections approchent et que bruisse son nom comme tête de liste LREM aux Européennes, nous scrutons son compte twitter où elle bataille chaque jour contre l’intolérance et les mouvements extrémistes. On disait de la Madame Europe du gouvernement qu’elle était techno, on sait maintenant qu’elle est politique !

Vous vous souvenez de ce coup de fil qui vous a faite Ministre ?

NL : La surprise fut énorme ! Savoir que l’on a deux heures pour changer de vie, que l’on en a très envie mais que l’on sait que ce sera complexe, cela fait le l’effet ! J’ai la chance d’avoir un conjoint qui m’a encouragée. J’étais enthousiaste et curieuse. Une nuit sans sommeil pour préparer ma rencontre avec le Président. Bien sur, j’aurai pu finalement ne pas être sur la liste. D’ailleurs j’étais en jean et tee-shirt en train de ranger chez mon père quand le téléphone a sonné. Le lendemain, j’avais mon premier conseil des ministres et mon premier conseil Européen!

Vous avez toujours choisi le vaste monde pour exercer vos fonctions ministérielles, pourquoi ?

NL : C’est génétique je crois ! Ma grand-mère qui était née en France est partie vivre en Australie. Elle a appris l’anglais sur le bateau, le temps de ce long voyage. Mon frère est parti pour sa carrière au Maroc. Mon père en Argentine et au Brésil…

Si vous deviez nous « vendre » l’Europe, quelle serait la liste de ses bénéfices?

NL : La paix. Nous n’avons jamais été en paix aussi longtemps depuis la réconciliation Franco Allemande. L’Europe nous protège. C’est l’espace au monde où la sécurité est la plus grande. Sur les produits consommés par exemple où l’on peut dire en 72 heures, comme cela vient de se produire où est la viande non contrôlée et la détruire. Il y a 40 scandales alimentaires en Europe pour 40 000 en Chine. C’est aussi l’Europe qui contrôle la qualité de l’eau sur les plages. Ou la qualité des jouets, des peintures et cela ne fonctionnerait pas de la même façon si nous n’étions pas 500 millions à consommer les mêmes produits. L’Europe intervient également en matière numérique. Nous sommes le premier espace au monde qui invente l’intimité numérique en contrôlant par exemple l’origine des données…

Qu’en est-il de l’Europe et des femmes ?

NL : L’Europe est l’espace où les écarts entre les femmes et les hommes sont en moyenne les plus faibles. La convention d’Istanbul engage dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Bien sur, certains pays n’ont pas ratifié mais personne n’a parlé de ceux qui l’ont fait. Les droits des femmes constituent un enjeu européen. Il règne encore des disparités sur des sujets comme l’avortement ou le mariage homosexuel.

Quelles sont nos valeurs fondatrices ?

NL : Le rejet de la peine de mort est une valeur fondatrice de l’union. L’état de droit. La justice indépendante. La liberté de la presse. Cela constitue des règles que l’on accepte. Dont on a besoin.

Le Brexit, cela nous concerne ou pas vraiment?

NL : Les Britanniques ont décidé de quitter l’UE il y a 2 ans. Nous le regrettons mais le respectons. Dans cette séparation, 2 possibilités : à l’amiable ou brutalement. Michel Barnier a fait un excellent travail de négociation depuis 18 mois. Cet accord est sur la table. Ma préoccupation est de protéger les intérêts des Français et des entreprises Françaises. Un mauvais accord serait plus dommageable qu’une absence d’accord.

Pouvons-nous parler d’une identité Européenne ?

NL : Il y a toujours eu des mouvements de pensée ou artistiques qui ont traversé toute l’Europe. Le romantisme, le surréalisme… Nous avons tout cela en partage. Avec des personnages dont on ne sait plus dire la nationalité : Léonard de Vinci, Chopin… Et puis l’Europe a été faite par les femmes. Simone Veil par exemple.

Qu’est ce qui vous met en colère ?

NL : Ceux qui là où ils sont, font comme on a toujours fait !

Qu’est-ce qui vous réjouit ?

NL : Le fait que les Français adorent débattre. Même quand le pays va mal, nous sommes capables de nous mettre dans une même pièce et de discuter, ça me donne la pêche, c’est le contraire des idées reçues.

 

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